Une nouvelle forme d'obésité sévère de l’enfant avec troubles neurologiques et mortalité élevée découverte par une équipe EGID.

L’obésité de l’enfant est parfois associée à des troubles neurologiques sévères et à un retard de développement intellectuel dont l’origine est inconnue. Une approche génétique nouvelle, dirigée par le Pr Philippe Froguel de l’Institut de recherche EGID (European Genomic Institute for Diabetes, UMR 1283/8199, Inserm, CNRS, Institut Pasteur et Université de Lille), a apporté une avancée significative dans la compréhension de ces formes d’obésité sévère de l’enfant dites « syndromiques », car associées à d’autres troubles graves. Cette étude publiée dans le journal Diabetes de l’American Diabetes Association a en effet élucidé une nouvelle forme d’obésité grave chez l’enfant, liée à des mutations spécifiques du gène P4HTM*, et par la même occasion identifié un nouveau mécanisme conduisant à des troubles du fonctionnement du cerveau avec perturbation de la régulation de l’appétit.

Étonnamment, le gène P4HTM n’a aucun rapport avec tous ceux connus à ce jour qui régulent l’appétit: P4HTM contient les instructions nécessaires à la fabrication d’une protéine qui joue un rôle crucial dans le maintien de l’équilibre de l’oxygène dans notre corps, et qui protège des effets d’un manque d’oxygène tissulaire (hypoxie). Cette protéine est particulièrement présente dans notre cerveau et joue un rôle important dans la régulation de la production de notre énergie (qui nécessite de l’oxygène) et donc de notre poids. Des mutations ont été découvertes chez des enfants provenant de familles consanguines du Pakistan, ainsi que chez des enfants d’origine indienne et marocaine. Elles entraînent une obésité très importante qui apparaît dès le plus jeune âge, accompagnée de faiblesse musculaire, de problèmes de cognition et de retards de développement. Hélas, dans 43 % des cas, ces mutations ont conduit au décès des enfants porteurs de ces mutations.

Pour découvrir ce nouveau gène de l’obésité, l’équipe lilloise a utilisé une approche statistique originale de comparaison des séquences de l’ensemble du génome humain. L’étude a impliqué près de 400 enfants souffrant d’obésité sévère, ainsi que 1000 individus de la population générale du Pakistan et aussi 200 000 participants de la cohorte britannique UK Biobank. Cette étude montre l’importance de chercher des mutations rares responsables d’obésité sévère de l’enfant dans des populations consanguines pour percer les mystères des formes les plus graves d’obésité. Cette étude souligne la gravité à très court terme de ce type d’obésité syndromique. Les chercheurs recommandent donc de vérifier la présence de mutations du gène P4HTM chez les jeunes patients atteints d’obésité sévère, en particulier chez ceux qui présentent également une faiblesse musculaire et des troubles cognitifs précoces. Ce dépistage précoce permettrait une prise en charge adaptée et opportune de ces patients.

L’équipe du Professeur Philippe Froguel a été la première à identifier en 1998 des mutations dans le gène MC4R responsables de l’obésité de l’enfant. En 2023, un médicament directement issu de cette découverte, le setmelanotide, qui active ce récepteur hormonal dans le cerveau, commence à être utilisé dans certaines obésités génétiques. Le progrès médical est un processus long qui nécessite des découvertes inattendues chez des patients pour en déduire de nouvelles thérapies.

Au-delà, cette étude ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche sur le fonctionnement de notre équilibre énergétique et ses déséquilibres conduisant à l’obésité. Les chercheurs espèrent que ces découvertes ouvriront la voie à de meilleures stratégies de diagnostic et de traitement pour lutter contre l’obésité sévère chez les enfants.

* Les mutations dans le gène P4HTM provoquent une forme d’obésité syndromique dès un très jeune âge, accompagnée de faiblesse musculaire, de problèmes cognitifs, de retards de développement et d’un taux élevé de mortalité.

Publication : https://diabetesjournals.org/diabetes/article-abstract/doi/10.2337/db22-1017/148743/Biallelic-mutations-in-P4HTM-cause-syndromic?redirectedFrom=fulltext

Auteurs : Sadia Saeed, Lijiao Ning, Alaa Badreddine, Muhammad Usman Mirza, Mathilde Boissel, Roohia Khanam, Jaida Manzoor, Qasim M Janjua, Waqas I. Khan, Bénédicte Toussaint, Emmanuel Vaillant Souhila Amanzougarene, Mehdi Derhourhi, John F Trant, Anna-Maria Siegert, Brian Y. H. Lam, Giles S.H. Yeo, Layachi Chabraoui, Asmae Touzani, Abhishek Kulkarni, I. Sadaf Farooqi, Amélie Bonnefond, Muhammad Arslan, Philippe Froguel